25 février 2009

37. San Marcos La Laguna

J'ouvre un oeuil, puis l'autre. Je suis parallèle au plafond dans un mini-hôtel de 3 chambres de San Marcos. Les rayons du soleil transpercent la fenêtre magnifiquement confectionnée de vitrail. Deux brillantes libellules colorées me souhaitent le bonjour.

Arrivé de nuit, je n'ai encore rien vu de l'endroit. Pour cette raison, ma compagne de voyage du moment, Sanna, jeune nomade suédoise et son nouvel ami Alexis, me bandent les yeux et me guident à travers un périlleux sentier. Quelques 100 mètres plus bas, ils m'immobilisent et me rendent la vue: WOW! Je suis ébloui, mais je ne sais si c'est par le soleil ardent ou par toute la splendeur du paysage qui s'offre à moi. Ébaubi, mon cerveau arrive à peine à traiter toute la beauté qui m'entoure.

Devant moi s'étend un gigantesque lac d'eau pure et translucide entouré de trois majestueux volcans bien endormis. Au loin, une poignée de minuscules villages courageux osent défier l'imposante nature en se perchant au flan des volcans. Devant moi, un pêcheur maya défile dans sa barque sculptée dans un tronc d'arbre. Je ne m'en peu plus: mon coeur palpite, mon souffle s'accélère et mes lèvres sourient allègrement. C'est trop, merveilleusement trop.

On prend le petit déjeuner sur la terrasse fleurie et junglueuse (voir Petit Harry, page 538) du restaurant d'Alexis. Entre deux oiseaux-mouches qui viennent se nourrir du nectar des fleurs omniprésentes, Alexis nous explique que San Marcos est un village qui a vu le jour sous les années '60. Ici, tout reflète le style «hippie»: hôtels, restaurants, centres hollistiques, yoga, méditation, massages, etc... Ici, on a à peine l'électricité et le temps n'a aucune signification. Ici, le village n'a pas de rues, mais des sentiers étroits où les gens déambulent en se saluant amoureusement. Ici, on ne pense pas, on se contente de refaire le monde. Plusieurs disent que cet endroit est l'un des vortex énergétiques de notre planète. Cela expliquerait mon doux et constant tumulte intérieur depuis mon arrivée.

Arrivée 24 heures avant moi, Sanna me fait faire le tour de San Marcos. Sur le chemin, on croise son nouvel ami, Glen, un ex-hippie américain de 68 ans venu renouer quelques jours avec l'esprit de Woodstock. Étendus sur un petit coin de plage volcanique, on discute histoire et philosophie pendant près de 2 heures. Ce qui est le plus étonnant de Glen, c'est que depuis 40 ans, il a réussi à vivre que d'amour et d'eau fraîche. Quel riche personnage!

Peu après, Alexis nous suggère un micro-sentier escarpé qui mène à une plage rocailleuse. Je suis encore et toujours en mode «WOW!». À chaque tournant, un nouveau paysage paradisiaque vient me renverser. De temps à autres, je dois littéralement m'arrêter afin de reprendre mon souffle, tellement la stimulation environnante est intense. Je n'arrive toujours pas à tout assimiler. J'en ai des papillons dans le ventre. Je ne suis pas certain si c'est endroit est maudit, ou magique.

À destination, des enfants locaux s'amusent à sauter de deux rochers, l'un de 5 mètres et l'autre de 10 mètres de hauteur. Ayayaye!!! Ils sont fous ces guatémaltèques! Bien sûr, on nous met au défi. Pour moi qui a une peur bleu des hauteurs (et un peu de l'eau), cela constitue une mission impossible. Mais nouveau pays, nouvelle limites. «Allez, j'y vais!», me dis-je. Mais, facile à dire: je reste perché près de 45 minutes sur la crête du précipice de 5 mètres. De plus, je dois viser entre deux rochers submergés. Ma tête tourne, mes mains tremblent et mon coeur bat à 100 mile à l'heure. Puis, finalement, je m'élance dans le vide infini: «AAAAAAHHHHHHH!!!!». En un instant, toute ma vie défile devant moi...puis...PLOUF!!!


C'est fou comme j'aime ce pays!

24 février 2009

36. Vroum-vroum!

J'ai une idée folle en tête (ça vous surpend?). Depuis plus d'une semaine, on m'aperçoit déambuler dans les rues d'Antigua en train d'apostropher tous les motocyclistes afin de leur demander s'ils ne me vendraient pas leur cheval de métal. Imaginez la scène: les uns partent à rire, certains restent bouche-bée et d'autres s'enfuient en troisième vitesse. Bon, j'en conviens, il s'agit d'une méthode peu commune.

Je passe donc le mot à mon entourage et, en quelques heures, toutes la ville est mise à contribution: famille, amis, voisins, épicier, boulanger, dépanneur, professeurs d'espagnol et même les enfants du quartier.

Peu après, on me présente une antiquité qui tient à peine debout. Une autre, à qui on a volé plusieurs pièces importantes. La suivante, têtue, refuse de démarrer. Et la dernière, tousse comme un p'tit vieux de 95 ans...

Voyant mon total désarroi, ma famille adoptive décide de s'y mettre sérieusement et me déniche ces deux superbes modèles 2009, fraichement sortis de l'usine. Je me pisse de rire en les apercevant, là, par-terre, stationnés en face de la maison. Ils ont vraiment le tour de me remettre le moral dans le piton.

Puis, au tournant d'un coin de rue, je l'aperçois. Seule et isolée, elle me regarde comme un chien piteux à la recherche de son maître. Je la rassure et la cajole tout en l'inspectant subtilement. Je l'observe et l'examine dans ses moindres détails. Suspicieux, son propriétaire, David, se pointe.

De fil en aiguille, la danse de la négociation débute. Il demande 12,000 Quetzales (2,000$): NON MAIS ÇA VA PAS LA TÊTE!!!?!?!? Tu veux ma peau?!? Gentiment, je lui offre 8,000Q: il manque de s'évanouir. Après quelques aller-retours, on se serre la main (et les dents) à 9,000Q.

Le jour même, nous officialisons la vente et me voilà déjà en route vers San Marcos La Laguna, à 5 heures de route vers le Nord...

21 février 2009

35. On se marie...encore!

Hier, après avoir accompagné Alejandra à l'aéroport, j'aurais dû continuer mon voyage vers les autres pays de l'Amérique Centrale. Mais voilà qu'on m'a tordu un bras afin que je reste pour le mariage du bébé de la famille, Kimberly, 15 ans. Bébé, faut le dire vite, car elle est déjà maman de deux adorables petits rejetons.

La cérémonie aura lieu dans la maison familiale, ce soir à 19h00. On y attends près de 75 invités et il y a tant à faire. Au travail! Je me mets aussi la main à la pâte: nettoyer la salle, installer les tables, repasser les nappes (pendant 2 heures!!!), souffler les balounnes en forme de coeur, décorer, etc. Je me transforme même en fleuriste afin de confectionner les bouquets de roses rouges et blanches qui orneront le centre de chaque table. Ouf! Les minutes passent rapidement et on a tous de la broue dans le toupet! 18h45: On met la touche finale et je saute dans la douche, juste à temps pour la cérémonie.

Les gens s'entassent dans le minuscule salon et entourent les futures mariés. Face à Oscar et Kimberly se trouve Clara, sa cousine avocate qui officialisera le mariage civil. Elle-même mariée depuis peu, elle prononce un discours légal mais surtout matrimonial qui nous touche droit au coeur. Autour de moi, les gens sourient et des larmes de joie coulent sur leurs joues. Mon coeur se serre et je ne peux m'empêcher de m'émouvoir en regardant les mariés. Si jeunes et si brillants de bonheur, ils ne s'en peuvent plus d'attendre la fin du discours pour dire «Oui, je le veux» et de s'embrasser langoureusement. Quelle merveilleuse scène!

S'en suit un succulent repas (estofado: genre de ragout de boeuf, poulet et porc) qui a pris 3 jours à cuisiner. Mioum! Vraiiiiiiiiiment mioum!

Et qui dit mariage, dit bière, rhum, DJ, musique danse et tout le tralala festif... voici pour vous un diaporama de la soirée. Soit dit en passant, à la fin, la personne qui enlasse amoureusement le bol de toilette n'est pas moi, mais Stewart, un étudiant écossais qui partage aussi la maison depuis 2 semaines...

17 février 2009

34. Pensée solitaire

Voilà maintenant un mois que je vis au rythme du village d'Antigua, au Guatemala. Et vous savez quoi? Plus le temps passe, plus je me rends compte que mon voyage n'est pas un voyage d'endroits géographiques, mais plutôt un voyage dans l'univers des gens qui croisent mon chemin. Ironiquement, c'est en restant sur place que j'ai le plus voyagé. Amitiés, familles, parenté, coutumes, nourriture, fiestas, évènements et rencontres de toutes sortes ont bâti ce voyage, brique par brique.

Le Guatemala est un pays pauvre à vous crever le coeur de tristesse, de rage et de pitié. Mais ce pays est riche, riche de ces habitants. Ils ont cette abondance intérieure qui vous réchauffe le coeur et l'âme dès les premiers instants passés en leur compagnie. Comment dire? ...euh... Ah! Voilà, je sais: ils ont moins, mais sont plus.

Et au fur et à mesure que mon porte-feuille s'appauvrit, tout mon être s'enrichit.

Le bonheur a-t-il donc un prix?


15 février 2009

33. La céleste surprise


Depuis quelques temps, le ciel s'est rempli de nuages gris , et mon regard aussi.

Le tonnerre a grondé, et ma rage aussi.

La pluie s'est acharnée, et mes larmes aussi.

Mais comme un coup de vent qui renverse, tu es venue, toi, ma Alejandra, me surprendre ici, dans mon lointain chez moi du Guatemala.

Ton oiseau de métal finalement se pose, et mon esprit aussi.

Sans relâche nous nous étreignons, hardamment, intensément, et mes larmes coulent toujours, mais de joie cette fois-ci...

14 février 2009

32. Les aléas de la mort


Aujourd'hui, c'est la St-Valentin de même que la fête à ma soeur Marie. Bonne fête Marie!

Mais aujourd'hui, c'est aussi un jour très triste, car la mort a frappé. Un membre de ma famille d'accueil vient d'être tué à bout portant dans la ville de Guatemala. Seulement parce qu'il était au mauvais endroit, au mauvais moment. Un jour triste parce que sa mère ne le sait pas encore et que son mari ne sait pas comment lui annoncer. Un jour triste parce qu'il laisse derrière lui sa femme et ses trois jeunes enfants. Un jour triste parce cette famille est maintenant la mienne et que je souffre comme s'il avait été mon propre frère.

Aujourd'hui, je vis la souffrance et le deuil, deux fois plutôt qu'une...

8 février 2009

31. Le mariage guatémaltèque

Plusieurs d'entre vous m'ont demandé comment je fais pour me faire inviter dans tant d'évènements familiaux. Sachez que je n'ai pas trop de mérite à ce sujet. Les guatémaltèques sont si chaleureux, qu'il vous font vite sentir comme si vous faisiez partie de la famille. Et de fil en aiguille, on se retrouve dans un mariage.

On est un dimanche, vers 10h du matin. Tous se mettent la main à la pâte afin de préparer nourriture, breuvages, décorations, musique, etc. Le marié, William, l'aîné de la famille, enfile son costume fraichement acheté. La mariée, Adriana, met la dernière touche à son maquillage. Le cortège familial fin prêt, nous nous dirigeons vers la salle où aura lieu la célébration.

On arrive sur place. La salle est couronnée d'une baie vitrée qui offre une vue panoramique à couper le souffle. Peu à peu, elle se remplie de tantes, oncles, neveux, cousins, voisins, amis et de 2 canadiens, Andrian et moi. On prend tous place et écoutons religieusement le diacre prononcer le mariage civil. Après le langoureux baiser des mariés, l'atmosphère est si chaleureuse qu'on m'invite même à signer l'acte de mariage. Cool! S'en suivent valses de coutume, toasts, baisers, repas savoureux et, bien sûr, musique et danse!

J'anticipais ce moment avec inquiétude, car voyez-vous, il y a deux jours, mon dos a décidé de faire des siennes en me paralysant lors d'un faux mouvement anodin. Ouch!#!&!!! Depuis, je marche comme un p'tit vieux constipé de 90 ans. Mais ici, un mariage est un mariage: il FAUT danser. Imaginez-vous la scène...ou mieux encore, regardez-la (de côté)...



Mais après quelques verres, je découvre que le rhum local (XL ou ékis-éllé) possède des propriétés anti-inflammatoires qui apaisent la douleur des p'tits vieux de 90 ans. Il n'en faut pas plus pour me voir me laisser envouter par la musique déchainée sur la piste de danse. Tant pis pour la douleur dorsale: demain est un autre jour!




6 février 2009

30. La fiesta del niño

Il existe au Guatemala plusieurs coutumes, dont une particulièrement intéressante: la fiesta del niño. Pour Noël, chaque famille fait une crèche dans laquelle il y a, bien sûr, un petit Jésus. Ce dernier est convoité de tous et peut être volé à tout moment, mais pas n'importe comment. En voici la recette:

1) Lors d'un évènement familial quelconque (et ce n'est pas ceux-là qui manquent ici), le voleur doit subtiliser incognito le petit Jésus de sa sainte crèche. Dans ce cas-ci, sous le gilet de mon ami Adrian, pendant que je fais distraction à l'hôtesse, la grand-mère Natalia de 83 ans.



2) Les voleurs doivent alors envoyer une lettre anonyme au propriétaire lui indiquant le vol du petit et que celui-ci sera rendu en échange de la tenue d'une fête, et ce, dans les 40 jours qui suivent Noël. Bien sûr, les voleurs doivent débourser et organiser tout ce qui vient avec la fiesta afin de se faire pardonner.





3) Le jour venu, les voleurs sont ligotés et une marche à travers la ville s'amorce avec l'ensemble de la famille: frères, soeurs, parents, tantes, oncles, cousins, cousines, amis de la famille, voisins, etc (un open-house, quoi!). Dans la rue, on nous crie des injures...avec le sourire. La police est aussi de la mêlée...



4) Une fois arrivés à destination, le voleurs honteux cognent à la porte et implorent le pardon. Le petit Jésus est alors rendu à ses parents d'origine, vêtu de nouveaux vêtements. Une prière est aussi prononcée afin bénir toute la famille et d'implorer Dieu de pardonner les voleurs.


5) Une punition est alors infligée aux voleurs. Dans notre cas, elle a été plutôt coriace: caller un verre de rhum et manger un taco assaisonné hyper-piquant. Ouf!!! J'en ai des sueurs juste à y repenser. De plus, la propriétaire du petit Jésus est en droit de flageller, frapper et/ou taper les voleurs. Même à 83 ans, la p'tite mamy a de la force et s'en est donnée à coeur-joie. Ouch! Soyez certains que ça va prendre un bout avant que je re-fleurte avec Jésus...



6) Le péché pardonné, tous se donnent rendez-vous dans la rue pour une séance de feux d'artifices...wow!




7) Les yeux remplis de couleurs brillantes, tous retournent à l'intérieur afin de manger, boire, boire, boire et fêter le retour du Fils de Dieu...

Non mais c'est pas possible comme j'aime ce pays!




4 février 2009

29. Salaud, je t'aurai!

Vous saviez que le Guatemala hébergeait pas moins de 36 volcans, dont 3 encore très actifs? Il se trouve, par le plus pur des hasards, que deux d'entre eux font partie du paysage de la ville où j'étudie depuis quelques jours (Antigua).

Chaque matin, je marche vers l'école et l'un d'entre eux, Pacaya, me regarde d'un air arrogant. Du haut de ses 2500 mètres, il semble me narguer et me mettre au défi. «Ah ouin? Salaud, je t'aurai!», me dis-je intérieurement.

Peu après, j'embauche un minibus qui nous transporte, mes 7 autres comparses et moi, vers le camp de base du village de Pacaya. La route semble complice du volcan et transforme le minibus en tape-cul guatémaltèque pendant plus d'une heure. Au fur et à mesure que nous cheminons, le volcan prend de l'ampleur et tente de m'intimider. «Salaud, je t'aurai!»

Une fois à destination, je constate que le chemin étroit est parsemé de merde de cheval, de taureaux et de vaches, ainsi que toutes les odeurs qui les accompagnent. Le sol est d'une couleur que je ne connais pas: ni terre, ni sable, il est d'un brun-gris cendré qui m'intrigue. La pente s'accentue. J'entends mon souffle s'intensifier et mon coeur battre la chamaille. Des villageois me proposent régulièrement de m'emmener à dos de cheval, mais non, «Salaud, je t'aurai!» ... à pied.



Une végétation verte et dense m'entoure et m'empêche de le regarder droit dans les yeux. Le vent se lève en bourrasques et soulève la poussière qui envahie mes poumons et fouette mes yeux. Je vois à peine où je mets les pieds. «Salaud, je t'aurai!»



Je suis maintenant à 1000 mètres d'altitude. La flore disparaît soudainement et le volcan ose finalement se montrer le visage: mers de cendre, collines abruptes, pierres et rochers noirs, infiniment instables et aussi coupants que des lames de rasoir. «Salaud, je t'aurai!»



Tout en te regardant dans les yeux, je descends, je monte, je descends encore et je remonte indubitablement la route que tu t'es amusé à me tracer depuis des siècles. De loin, je t'entends me narguer encore et encore: «Viens, si tu oses. Viens Harry, si t'en est capable». Quel arrogant ce volcan! «Salaud, je t'aurai!»


Ta pente s'accentue et frôle l'escalade. Ta surface est couverte de pierres qui glissent sur un tapis de cendre qui me déstabilise à chaque pas. Tu souffles une halène cendrée accompagnée de bourrasques de plus de 100 km/h. L'une d'entre elle me projette vers l'arrière: je tombe et roule sur ta surface dangereusement coupante. À ma première culbutte, tu me frappes violemment l'épaule gauche, puis l'arrière de la tête. À la seconde, je t'enfonce mon bâton dans tes entrailles et m'immobilise, finalement. Mais trop tard, tu m'a déjà déchiré le genoux et mon sang coule abondamment. «Salaud, je t'aurai!»

Je monte toujours et je vois tes yeux de feu qui me regardent d'un air furieux. Toi, montagne de feu, j'ai maintenant piqué ton orgueil en plein coeur. Je vois tes larmes de lave incandescente couler sur ton visage aux allures infernales, lentement, mais surement: tu rages de me voir à ton sommet.

Je t'ai eu, salaud!!!