30 mai 2009

53. Entracte au théâtre

Je me sens comme un conquistador qui revient finalement de mille et une batailles après dix ans de conquête. Je viens tout juste de conclure la vente de Gordita avec son nouveau propriétaire. Je marche sous la pluie d'un pas lourd et ralenti en direction de mon auberge. Derrière moi, je traîne mon lourd bouclier de patience et mon long glaive de persévérance. Après plus de deux semaines de procédures d'importation, de douanes, d'enregistrement, d'inspection et d'immatriculation panaméenne, je suis exténué. Ces rapaces de fonctionnaires ont presque eu ma peau. Je suis triste et un peu perdu sans mon cheval mécanique. Malgré tout, je suis soulagé car cette princesse à deux roues commençait à apprécier un peu trop les dorlotages chez les garagistes.

Profondément évaché dans un divan, je regarde la liasse de billets de 20$ que l'acheteur m'a concédée en guise de compensation psychologique. J'en retire un billet et décide de me faire plaisir. Oui, oui: j'ai bien dit PLAISIR. Mais qu'allez-vous penser??? Mais non...rien à voir avec la luxure qui se passe dans le quartier chaud situé non loin d'ici. Il s'agit plutôt d'un petit luxe. Quelque chose que je ne me suis pas offert depuis des lunes. Quelque chose qui me détend et qui me fait sourire à tout coup: une soirée au théâtre.


J'empoigne donc le journal local et survole la section
Arts et spestaques. Je tombe sur une pièce nommée «Hasta que la otra nos separe» (Jusqu'à que l'autre nous sépare). Cette comédie burlesque me semble parfaite pour l'occasion. Mais merde!!! La dernière représentation est dans moins d'une heure! D'un click, je google (oui, oui, ça se dit) l'adresse du théâtre et mémorise le trajet. D'un geste inconscient, je m'étire le bras sous mon lit à la recherche de mon casque de moto... euh... plutôt mon pu-de-casque de pu-de-moto. Prout! J'ai un pincement de coeur. Je devrai faire le chemin à pied.

Quatre kilomètres plus loin, j'échange mon billet bancaire contre un billet de la pièce. Les gens s'entassent dans la salle, juste à temps pour l'ouverture du rideau. Mais attendez... de cossé ki dizent?!?Je viens de réaliser que cette pièce est en jargon espagnol...ouch!

D'après ce que j'ai pu en comprendre deux heures plus tard, il s'agirait (et je dis bien «s'agirait») de l'histoire tragiquement drôle d'une femme mure qui vient de se faire dumper par son mari de longue date, et ce, pour une jeune poulette de 20 ans. Mais je crois qu'avec tout le gonflement théâtral burlesque utilisé (énormes poitrines sexy, cris dramatiques, chorégraphie démesurée, combats pathétiquement orchestrés, costumes frivoles, etc...), vous aussi auriez pu comprendre le sens de cette pièce. Celui-ci traite d'un récent phénomène de société: l'explosion du noyau familial et de l'institution du mariage. Je sais, cela vous semble peut-être une banalité nord-américaine, mais ici l'église est toujours très omniprésente et en prend tout un coup. Ceci dit, je suis fier de moi: ma première représentation en espagnol.

Mais sur le chemin du retour à l'auberge, je prend un mauvais tournant et traverse un quartier très pauvre de Panama. Ici, les maisons y sont en carton et les égouts nauséabondes coulent à ciel ouvert. Je ne peux m'empêcher de penser que les gens qui y vivent n'ont probablement pas le luxe du divertissement théâtral, et encore moins d'une pensée analytique de société. Ici, les préoccupations premières sont se nourrir, trouver un toit pour dormir et ne pas se faire tuer. Et parlant de tuer, j'ai à peine le temps de me sentir privilégié, qu'une voiture bondée de policiers blindés et armés m'intercepte et m'embarque instantanément, sans explication. Sur le chemin de l'auberge, le chauffeur m'engueule et m'explique que l'espérance de vie d'un touriste dans ce quartier est de moins de 15 minutes.

Ah. Une chance qu'on m'a béni avant de quitter le Guatemala.


20 mai 2009

52. Oui, mais Monsieur l'agent...

Depuis déjà une semaine, je suis au Panama. Le Panama, c'est la fin de la route qui traverse l'Amérique Centrale. Bien sûr, le Panama et la Colombie sont connectés géographiquement, mais pour une raison qui me dépasse encore, il n'y a pas de route qui s'y rende...de manière sécuritaire. Selon la légende urbaine, il faut traverser la jungle avec une machette et ses rivières avec un canot. Mais cela reste à confirmer. Pour Gordita, ma moto, la traversée doit se faire dans un conteneur sur bateau-cargo. J'espère juste qu'elle n'est pas claustrophobe.

Afin de lui trouver un gentil bateau, j'établis campement dans une auberge de jeunesse en plein centre-ville. Armé de mon tout-petit-mini-pc et de mon meilleur espagnol, je pars à la chasse aux transporteurs maritimes. Un premier me répond que je devrai me départir de 2590$. Combien!!?! Mais monsieur, c'est que ma moto ne vaut à peine que 600$. Un autre, un peu plus gonflé, me l'enverrait par voie aérienne pour la modeste somme de 5742$. À ce prix, je pourrais m'offrir de longues vacances en Asie, un massage de 622 heures ou un abonnement à vie à la revue Femme Plus. Le dernier, lui, me volerait un tout petit 1216$. Mais ça reste tout de même le double de la valeur de Gordita. Bredouille et mine basse, je me résigne à l'alternative: la vendre.

La vendre, oui, mais je devrai faire face à une armée de fonctionnaires (probablement non-stérilisés eux non plus) afin de la légaliser au Panama (rappelez-vous que Gordita est née au Guatemala). Mais depuis quelques jours que j'ai entamé les procédure d'importation, la police se fait un plaisir de m'arrêter quotidiennement...

La première fois, à mon entrée dans la ville de Panama. Vos papiers, demande-t-il. Mon coeur bat la chamaille et ma main tremble comme une feuille. Je ne sais pas trop quoi donner et je lui tends toute ma pile. Ne sachant que faire de tout ce charabia généré par ses collègues de la frontière, il me rend le tout et me souhaite bonne journée. Pfiou!

La seconde fois, ils sont deux. J'arbore un grand sourire innocent et leur tends la même pile de paperasses, passeport canadien bien en évidence au-dessus. Vous ne le savez peut-être pas, mais votre nationalité canayenne a bonne réputation dans le monde entier et peut vous sortir de situations potentiellement embarrassantes: « Bonne journée monsieur, bon retour à Montréal ». Et me revoilà reparti de plus belle. Yessss!

La troisième fois, ils sont quatre qui bourdonnent autour de moi. Je soupire et secoue la tête. J'offre le même scénario, mais le moins con des quatre s'aventure à lire toute la pile et à essayer de comprendre. Voulant faire son petit coq devant ses collègues, il met en question la validité des papiers et refuse de me laisser aller. Son sergent, soudainement moins con, lui arrache la pile, me la tends gentiment en me souhaitant bonne journée. Ouf!

La quatrième fois (mais je m'en peux pus!!!), on me reproche de ne pas avoir une plaque du Panama. Je garde mon calme et tente d'explicationner (voir Petit Harry, page 420) en «espanish» bien cassé que je suis en pleine procédure d'importation avec le service national des douanes et que ça prend du temps obtenir une plaque du Panama (sti!). Mmmmmmouin, ça passe... Encore ouf!

Le lendemain, au tournant d'un coin de rue, ma chaine déraille et je m'arrête...devinez où...face à deux policiers qui ont l'air de s'ennuyer. Les mains pleines de graisse, je fais mine de rien, mais il s'approchent dangereusement. Tabarn...! Sans même qu'ils ne me le demande, je cède d'amblée ma pile de papiers. Cette fois-ci, je suis dans la mierda. Les deux s'accordent pour faire fi de mon autorisation de circuler au Panama et me demandent de les suivre au poste de police pour questionnement. Quoiiiiiiiiiiiiiiiiii!?! Ayant un sérieux doute, je me regarde dans mon rétroviseur afin de vérifier si on ne m'as pas tatoué dans le front la nuit dernière les mots «Faites-moi suer SVP». Brutos!!! Fort heureusement, un appel d'urgence replace soudainement leurs priorités et me sauve certainement d'une nuit passée au poste. Rappelez-moi de remercier le voleur qui vient de dérober une banque près d'ici.

Parce que tout malaise se passe, ma chance tourne d'un coup. Et tout comme on fait trois voeux à un génie de la lampe, j'obtiens l'autorisation des douanes, un homme m'approche spontanément et m'offre d'acheter ma moto et il m'en donne quasiment le prix que je l'ai achetée. Il souhaite l'ajouter a sa flotte de moto de livraison PizzaHut. Aye! Quel malheureux destin pour Gordita, mais je ne peux me permettre de rechigner.

Mais avant qu'elle ne disparaisse dans la jungle urbaine panaméenne en tant que modeste livreuse de pizza peperoni-fromage et de Pepsi diète, je vous emmène une dernière fois faire un petit tour sur une route bucolique non loin d'ici. Vous venez?



11 mai 2009

51. Paquet livré!

Vroum, vroum, vroum. Nous arrivons tranquillement à la frontière du Panama. Un long pont ferroviaire en décrépitude se dresse devant nous. Tout comme pour les pays précédents, la signalisation est complètement absente. Pas de «Reviens nous voir bientôt au Costa Rica Harry.», pas de «Par ici la sortie Harry.» ou de «Bienvenue dans notre super Panama Harry!». Non, rien de tout ça.

J'y vais donc au pif et aborde un homme en uniforme. Sceptique de ma dernière expérience frontalière, je lui demande la procédure à suivre. À ma grande stupéfaction, il étampe nos passeports et nous pointe la direction de la douane panaméenne avec le plus grand des sourires. Cool! À cheval sur la moto, nous débutons la traversée du pont. Sous mes roues, les planches craquent et se déplacent dangereusement. Je diminue ma vitesse à 0,000000001 km/h, car l'idée de nager m'enchante guère.

Une éternité plus tard, je fais face au douanier du Panama. La sortie du Costa Rica ayant été un peu trop facile à mon goût, j'imagine que celui-ci doit m'attendre avec une brique et un fanal... Mais fort heureusement, un passeur habitué aux procédures m'offre ses services. Je l'embauche d'amblée, peu importe son prix. Face à tout ces fonctionnaires têtus et non-stérilisés, il vaut ton pesant d'or.

En moins de temps qu'il ne le faut pour dire «Kougioumoutzakis» (sans se tromper), nous complétons les procédures d'immigration, d'importation et de fumigation: 32 minutes et 17 secondes, wow! Bravo Javier, tu m'impressionnes! Pour cet exploit digne d'un super héros bureaucratique, il me demande 5 dollars américains. Je lui demande alors combien ça fait en Balboa, la monnaie locale. Mais à ma grande stupéfaction, il me répond qu'elle n'existe pas et qu'au Panama on n'utilise que le dollar US. De cossé!?!? De kess?!?! Perdon?!? De toute évidence, le nouveau président panaméen élu la semaine dernière (Martinelli) a une grosse job de nettoyage à faire dans son pays.

Pendant ce temps, les nuages ont pris la couleur de l'humeur des douaniers. On enfile notre habit de pluie, juste à temps pour les premières gouttes. Puis, c'est le déluge. Sur notre passage, les gens nous regardent comme si nous étions des astronautes, ou pire encore, des zestraterresmes (voir Petit Harry, page 493). Deux heures sous la pluie et nous arrivons à Bocas del Toro, un archipel de la côte des Caraïbes.


Je suis content de finalement arriver, mais je suis aussi triste. Très triste. C'est ici que je dois livrer mon colis humain (Kathleen) à Mauricio, cet artiste colombien voyageur.


Toujours soucieux de la sécurité de ma passagère, je rencontre Mauricio et nous discutons autour d'un café. Cet étrange personnage en apparence se révèle être rempli d'expériences, de respect, de politesse et de gentlemanisme (désolé, pas encore accepté dans le Petit Harry). Il a tant voyagé, qu'il est meilleur qu'un guide Lonely Planet. Mantenant que je suis bien en confiance, nous procédons à la cérémonie de passassion de la Kathleen...



Kathleen, tu m'as demandé une liste des choses que je déteste de toi. Sache que la seule et unique à laquelle je puisse penser c'est de ne plus t'avoir comme passagère et compagne de voyage.

Et c'est sur un air de Léonard Coen que je te dis au revoir, Kathleen Eastwood.

Tu manqueras. Tu me manqueras beaucoup... :(((

5 mai 2009

50. Costaricons un peu

Me voici donc en terre costaricaine. On m’a dit le plus grand bien de ce pays et j’ai bien häte de le découvrir. Mais j’ai un tout petit souci...en fait, un ÉNORME souci. A notre arrivée au village de La Cruz, j’ai constaté (avec horreur!) que le boulon principal du chassis de ma moto s’était rompu. Fudge!!! Il ne tient maintenant que par la peau des fesses. S’il cède, la moto se cassera alors en deux et tant pis pour le reste du voyage.

Je laisse donc Kathleen à l'hôtel et débute ma quête boulonienne (voir Petit Harry, page 162). Mais on est samedi, le lendemain du jour du travail et tout est absolument fermé. Fudge et encore fudge! Sacrée Gordita! A quand la paix mécanique??? Pas facile de costariquer en paix.

Bredouille, nous cheminons jusqu’à la prochaine ville principale, Liberia. Là, c’est le cirque total: je fais plus de 20 magasins de pièces de moto. Chacun me renvoi à l’autre bout de la ville. Non, mais vous me prenez tous pour un chien?!? Allez Harry, va chercher la ba-balle!!! Mais sans ba-balle ni boulon, je supplie donc le premier soudeur rencontré de me faire une réparation temporaire qui me permettra de me rendre de manière sécuritaire jusqu’à San José, la capitale.

Entre temps, Kathleen reçoit une invitation d’une bande d’amis qui sont venus faire le party pour une semaine à Manuel Antonio, une ville de la côte du Pacifique. Ah, pourquoi pas? J’ai besoin de me changer les idées.

A une vitesse moyenne et sécuritaire de 0,00000000001 km/h, nous roulons tranquillement sur les jolies routes du Costa Rica. Tout au long de la côte, je suis en mode «WOW!». Nous cheminons à une centaine de mètres d’altitude et chaque sortie de courbe nous présente le plus magnifique des paysages terrestre: plages paradisiaques, océan déchainé, palmiers en folie, bref, un pur orgasme visuel.


Nous arrivons à la maison de débauche américaine. Wow! Ce n’est pas une maison, c’est un château de 4 étages, une piscine, 8 chambres et 12,000 salles de bain! Le tout pour la modique somme de 6000$ par semaine. Là, 10 jeunes newyorkais d’à peine un quart de siècle font le party depuis 3 jours et nous invite à en faire de même. Après l’humilité du Guatemala, du Honduras et du Nicaragua, tout ce confort et ce luxe me donnent des étourdissements. Je subis une sorte de choc culturel. Rien de tout ceci me semble réel, ou plutôt, normal.




C’est à bord d’un avion cargo militaire des années 60 que nous buvons nos premières cervesas. La légende raconte qu’il s’est écrasé non loin d’ici durant le coup d’état orchestré par les États-Unis il y a une quarantaine d’années. La soirée durant, je placotte tour-à-tour avec mes joyeux comparses. Leur vocabulaire est criblé de: «man», «dude», «you know», «like» et de «no way man!». Malgré leur air sympathique et leur généreuse hospitalité, je ne peux m'empêcher de me sentir à des millions de kilomètres de mon voyage latinoaméricain.

J'ai déjà hâte de repartir demain...

1 mai 2009

49. La galère de la frontière

Voilà maintenant un mois que je voyage en compagnie de Kathleen, cette étrange peintre américaine de Philadelphie. Un mois et toujours pas de dommages collatéraux. Pas de bataille féroce, pas de baboune, pas de membre manquant, pas de scène ni de dispute. Pas mal, non? Bien sûr, elle perd parfois son sourire, mais j'ai appris que c'est simplement parce qu'il fallait la nourrir un peu. Depuis quelques jours, nous sillonnons le Nicaragua et ses merveilles, mais il est maintenant temps de le quitter: j'ai une passagère à livrer, moi!

De l'Île d'Ometepe, nous faisons route à bord d'un traversier rudimentaire sur lequel ma moto vacille au rythme des vagues du lac Nicaragua, tout en fleuretant avec son voisin, un étalon mécanique nommé Dakar. Une fois sur la terre ferme, je mets plein gaz et me dirige vers la frontière du Costa Rica. Le vent souffle en violentes bourrasques. Je dois ralentir drastiquement la cadence afin de ne pas être projeté au sol à chaque fois. Quelques instants plus tard, un peloton d'immenses éoliennes se dressent devant nous. Leur gigantesques lames fendent l'air en produisant une bourdonnante symphonie. Le sourire aux lèvres, on ne se doute pas ce qui nous attend...

J'arrive au poste de frontière. C'est un vrai cirque! En l'absence d'indication, les gens circulent à qui mieux-mieux. Au bout de quelques zigzags, j'aperçois une meute de motards stationnés près d'un bâtiment. Pendant que Kathleen monte la garde sous un soleil battant, je tente d'obtenir la formulaire qui me permettra de sortir la moto du Nicaragua. Au premier guichet, on m'envoie au second. Au second, on me demande d'abord un papier estampé par les douanes. Aux douanes, on requiert d'abord une inspection de la police nationale et la signature d'un agent autorisé. La police nationale, elle, rechigne à son tour en voyant mes papiers d'immatriculation du Guatemala et ne sais que faire. Je sors mon donc mon air de chien battu presque véridique et tente de m'en sortir avec un espagnol des plus mielleux. Ouf, il a signé!!! Yé!!! Mais c'est pas fini...

De retour aux douanes, je présente fièrement ma signature policière, comme un enfant présente à ses parents un premier «A» sur un bulletin. Surpris, l'agent fronce le sourcil et inspecte à la loupe mon passeport (avec mon nom à coucher dehors), mon permis de conduire (qui n'a pas la classe motocyclette), mon certificat d'immatriculation (qui n'est pas encore à mon nom) ainsi que mon titre de propriété (que je viens de déchirer en deux par erreur). Je compte le nombre de rides qui viennent de se former sur le visage du douanier et estime mes chance de sortir de ce pays à moins de 12,3%. Je fais appel à mon air de chien battu, mais je sens que c'est sans espoir. Il jappe des mots que je n'arrive pas à décoder, car il porte un masque anti-grippe H1N1. Pendant de longs moments, je tends l'oreille à travers le minuscule trou du guichet et le fais répéter à plusieurs reprise. ¿Disculpa? ¿Como? ¿Qué? ¿Mandé? À bout de patience et rempli de colère, il empoigne ma pile de documents et l'étampe violemment de la mention «Approuvé». Victoire!!! Mais c'est pas fini...

De retour au guichet #2, c'est l'horreur: toute la meute de motard est en file devant moi. Je crois que je suis parti pour coucher ici. Je patiente en file 10 minutes, puis m'aventure au guichet #1, où un agent roupille en comptant des moutons. Il sursaute en me voyant et, à ma grande surprise, il approuve l'ensemble de mes papiers en 2 secondes et demie avant de retourner dans les bras de Morphée. Je saute de joie et cours vers la sortie, car la meute commence à gronder! Yé!!! Mais c'est pas fini...

C'est maintenant à notre tour, à Kathleen et moi, de passer l'immigration. En apercevant la foule abondante qui s'entasse devant les 3 guichets, le visage de Kathleen se remplit de désespoir. Je prends une grande respiration et nous nous plaçons dans ce qui parait être la plus courte file. Les gens s'entassent comme des sardines. Tout comme cette fameuse grippe H1N1, je me sens à mi-chemin entre un porc, une poule et un humain. Ici les circonstances sont parfaites pour la transmission d'un virus pandémique. Deux heures durant, nous avançons à pas de fourmis alors que le soleil nous cuit le coco. Derrière son masque, un agent nous souhaite finalement la bienvenue avec une face de bœuf. En apercevant nos papiers, il nous envoie tout de go vers le guichet #6, car nous traversons avec un véhicule. Fuck, fuck et encore fuck!!! (vous pardonnerez mon français) Encore deux heures d'attente?!? Impatient, je passe devant le troupeau. Exhaspéré, je fais des yeux de biche à l'agent du guichet #6 qui me fait passer. En deux temps, trois mouvements, il estampe nos passeports. Yé!!! Mais c'est pas fini...

Papiers en main, on enfourche la moto et nous dirigeons vers la barrière qui nous mènera finalement vers le Costa Rica. À la guérite, le douanier examine mon passeport et mes papiers...tout semble lui plaire. À celui de Kathleen, il fronce dangereusement les sourcils: on lui a malencontreusement mis une étampe d'entrée au lieu de sortie du Nicaragua. Chnoutte! Ma moto gronde jusqu'au guichet #6, et moi aussi. Sans remords, je coupe la file qui s'étend à l'infinie et explique gentiment à l'agent qu'il nous a mal estampé. Toujours aussi bête, il corrige son erreur. Yé. Mais c'est pas fini...

De retour à la guérite, on nous laisse miraculeusement passer. YAHOOOOOOO!!!!!, cris-je en apercevant la pancarte de bienvenue au Costa Rica. Je mets plein gaz...pour découvrir une seconde guérite. Mais quoi encore??? Le service d'inspection sanitaire du pays exige la stérilisation de ma moto contre le fameux virus de la grippe. C'est pas ma moto qu'il faut stériliser, me dis-je, c'est les fonctionnaires de ce pays afin qu'il ne puissent se reproduire! Trois dollars plus tard, ma moto empeste d'une substance médicale louche. Mais je m'en fout complètement, laissez-moi sortir!!! Mais c'est pas fini...


Je fais à peine 100 mètres que je suis arrêté par une autre guérite et son gardien. Mais quoi encore?!? On ne peut plus costariquer (voir Petit Harry, page 237) en paix?!? Je découvre à mon grand désarroi que tout le tralala administratif à travers lequel je viens de passer n'était en fait que pour sortir du Nicaragua. Prêt à tuer le premier qui prononce le mot étampe, j'entame le même processus, mais du côté costaricain. Vous n'aurez jamais vu un gars courir aussi vite entre des guichets: douanes, immigration, police nationale, assurances, photocopies, etc... Heureusement pour la vie de tous les gens impliqués, je complète le tout en un temps record de 28 minutes, 33 secondes. Mais c'est pas fini...

La route est encore longue jusqu'au prochain village et, pire encore, Kathleen commence à avoir faim. Ma vie est donc en danger. Je fonce à toute allure, dans l'espoir de trouver de la nourriture sur notre chemin quand soudain, un barrage routier m'immobilise. Mais quoi encore?!? Une longue file de camion-remorques bloque volontairement le passage de véhicules. Nous sommes le premier mai, leur jour du travail, et ils n'ont pas trouvé un meilleur moment pour faire la grève. Je tente le tout pour le tout: je roule sur la voie inverse, sur l'accotement et, parfois même, dans le champ afin d'éviter le troupeau de camions. Un à un, ils me regardent d'un air furieux. Kathleen, elle, arbore son plus joli sourire afin de les apaiser. Ça marche!!! Je serre les dents et continue de foncer droit devant. Mais là...est-ce que c'est fini, là, là?!? OUIIIIIIIIIIIIIIIIIII!!!!!!!!

Six kilomètres plus loin, la piste à obstacle est terminée Nous arrivons au village de La Cruz où mère nature, de concert avec papa Costa Rica, nous nous ont concocté le plus beau des paysages jusqu'ici rencontré...